Ayant vendu ma précédente moto pour m’aider à payer mon crédit automobile (et finalement ma voiture pour m’aider à payer mon hypothèque sur la maison!), je me devais de trouver un véhicule approprié. Ma première idée fut de partir au guidon d’une Enfield, d’une Ural ou même d’une Chang-Jiang. Mais après environ 8 secondes de réflexion je me suis rendu compte qu’il m’aurait fallut des capacités qui me faisaient défaut. Nommément, une grosse paire de… heu!... qualités, c’est le mot que je cherchais. D’abord la patience de rouler sur une moto avec une vitesse de pointe de 80 kilomètres/heure, et surtout une bonne connaissance mécanique.
Pas le choix donc, je relançais mes neurones dans une réflexion ardue. Après avoir grillé le tiers de liaisons synaptiques qu’il me restait j’avais une nouvelle idée. Une moto de 3/4 de litre ou plus de cylindrée, transmission par cardan (drive shaft), refroidissement par air. Tout le monde aura deviné, je cherchais une XLV 750. C’est hélas introuvable, coincés que nous sommes entre l’Atlantique et le Pacifique.
Après avoir éliminé les BMW et autres KTM pour cause de prix inabordable pour mes moyens financiers en pleine délitescence, l’évidence s’est présentée sous la forme d’une annonce pour une Super Ténéré 750 de 1991 avec 70 000 Km. Pas chère, relativement facile de maintenance (mais pas pour moi, j’y connais rien en mécanique!), le seul problème étant que je ne peux pas poser les pieds à terre à l’arrêt! C’était pas la peine de réfléchir finalement, j’aurais dû faire comme d’habitude.
Aussitôt vue, aussitôt achetée, ou presque, car je me donnais la peine de chercher sur internet des informations sur le modèle en question. Le fait que j’ai bavé sur mes chemises d’écolier en la voyant dans ma jeunesse, n’était pas un critère à lui seul décisif.
La XTZ 750 a un historique connu pour certains petits écueils courants. Pour un tel voyage il me paraissait préférable de ne pas les négliger (quelques uns de ces inconvénients potentiels étaient déjà rectifiés avant l’achat).
Certaines soudures du cadre sont sujettes à des bris lors d’utilisation hors route. Points renforcés par des coins en métal soudés sur le châssis
Le régulateur surchauffe et grille souvent. Régulateur re-localisé sur le cadre pour un meilleur refroidissement.
Amortisseur arrière trop faible. Système complet Penske installé. Plus lourd, mais plus solide et réglable en pré-comtrainte, en dureté, en longueur, en largeur, en diagonale, en tambouillage et en spirale.
Freins faibles. Certains esprits chagrins disent que ça vaut rien, les plus optimistes que c’est pour ne pas bloquer dans le sable. Ce qui fait de la XTZ une moto très élitiste, sûrement moins de 5% de ses utilisateurs sortent de l’asphalte. Nouveau réservoir avant de faible diamètre et plus haut en lieu et place de l’original, plat et large. Pose de durit acier pour remplacer les tuyaux caoutchouc originaux. Le résultat est remarquable et comparé à un système de frein d’une autre moto, où, si un obstacle surgit inopinément on s’arrête avant, ben là on rentre dedans mais moins vite que si rien n’était changé du design de Yamaha.
Écrou de rétention du pignon de sortie de boîte de vitesse ne résiste pas aux vibrations en tout-terrain. Remplacé par un écrou provenant d’un modèle sport de Yamaha de même diamètre mais avec un filet supplémentaire.
Puis en vrac : pose d’un protège réservoir (crahs bars) Hebco Becker (on reconnaît là la perfection et le souci du détail germaniques, car une fois posé on ne peut plus démonter les carénages latéraux ou le radiateur. Ce qui, combiné au manque de commodité original, nécessite un bon 35 minutes de démontage total rien que pour avoir accès à une bougie), pose de porte-valises Hebco Becker (dont j’ai changé le boulonnerie fournie pour un diamètre supérieur lorsque possible), protège mains, lubrificateur de chaîne Loobman, filtre à air K&N, GPS Zumo 450, kit de carburateurs Dyno Jet, protège phares en polycarbonate (conçu et réalisé par moi-même pour la modique somme de 13$), throttle rocker, pare brise haut Ermax et pleins d’autres petits détails.
Crash bars :
Lubrificateur Loobman :
J’avais mon chef mécanicien pour m’assister dans mes errances (mon fils de 9 ans) :
Pat The Bouc modifie le pot d'échappement pour ménager le passage des porte valises :
J’ai choisi de ne pas prendre trop de pièces de rechange, de toute façon, c’est toujours celles que l’on ne prend pas qui lâchent. Mon stock sera composé de câbles de rechange (embrayage, accélérateur, compteur de vitesse), un régulateur, pignon et couronne (front et rear sprocket), 3 pneus neufs (ce n’était pas prévu ainsi, mais au prix où je les ai obtenus, je devais les prendre, reste à savoir où je vais les mettre!), deux chambres à air (1 avant, 1 arrière), deux filtres à huile, deux bougies, des ampoules de rechange, un jeu de joints de fourche.
J’embarque aussi un minimum d’outils. De quoi changer une roue en cas de crevaison, démonter le carénage en cas de n’importe quoi qui nécessiterait le démontage du carénage et, fidèle ami du bricoleur qui ne sait pas trop ce qu’il fait, un gros marteau!
Ma liste de souhaits pour l’équipement était pas mal plus longue. Mais deux choses m’ont un peu tempérées dans mon élan. Mon budget, qui est assez serré et pas vraiment très extensible. Et si je voulais vraiment des poignées chauffantes, une veste chauffante et d’autres gadgets du même acabit, j’avais un peu l’impression que je trichais. Trop de confort me semblait un tant soit peu diminuer l’intérêt de ma promenade, en la rendant par trop douillette. Aussi bien le faire en Hummer climatisé et équipé d’un minibar.
Bonne idée le minibar quand même, je retiens…
Bien sur, si tout allait bien, ce ne serait pas drôle. Donc, il y a quelques semaines, je décèle la présence d’une fuite d’huile sous le moteur. J’en fus d’abord plutôt énervé, mais je me dis bientôt qu’après tout mieux valait maintenant que dans le milieu de nulle part (où je compte me rendre durant mon voyage, si vous vous posiez la question).
Donc dépose de la moto au concessionnaire Yamaha local. Le joint de sortie de boite de vitesse avait lâché. Forcément, les pièces mirent deux semaines à venir du Japon («faut que ça vienne de loin c’est japonais». Les Bronzés!). Je viens, tout guilleret, de récupérer ma moto. Petit tour d’essai (167 Km!), et bien elle fuit toujours, et du même endroit en plus.
Résultat logique, je stresse, et je ne suis pas trop content. Je retourne demain au magasin Yamaha, en espérant (vainement, j’en suis à peu près convaincu) que les 311$ que j’ai investi dans cette réparation ne furent pas vains, et surtout que je ne vais pas avoir à ressortir mon portefeuille encore une fois alors que je ne suis pas encore parti!
L’autre point désagréable de cette mésaventure est que je me vois déjà repousser la date de mon départ, prévu dans une semaine et demie, pour cause de manque de pièces au Canada, ce qui m’enchante encore moins.
Oui, honnêtement, j’enrage…