jeudi 10 septembre 2009

Présentation

Soyez les bienvenus sur ce journal personnel. Je vais tenter d’y retracer au mieux, mais à ma façon, mon voyage à moto de Montréal à Ushuaia.

Pourquoi faire un blog puisque je sais déjà que ma vie n’est ni intéressante ni d’un quelconque attrait, et que l’angoisse d’une page blanche (fut-elle celle de mon ordinateur!) devant la vacuité de mes expériences ne sera sûrement pas des plus gratifiantes pour mon ego?

Tout simplement pour garder un contact, aussi virtuel que peut l’être le médium électronique, avec ma famille et mes amis. Je sais que cela peut paraître beaucoup de travail pour juste 6 ou 7 personnes, mais bon je me sens prêt pour ce sacrifice. Pour tous les autres qui au hasard de leurs pérégrinations sur la toile se prennent dans les filets inoffensifs de mon carnet de voyage, si vous avez le courage de lire plus de trois lignes, je vous demande d’avance de m’excuser de l’ennui dans lequel je ne manque certainement pas de vous plonger.

Pourquoi faire ce voyage? Introduction pénible et non nécessaire dans les confins de mon esprit tordu.

Il faut remonter à l’adolescence pour trouver les racines de ce voyage. Alors que la majorité de mes camarades, aussi boutonneux que moi, s’extasiaient sur les attraits de l’indémodable minijupe et des perspectives de bonheur qu’elle promettait à leurs hormones en éveil, j’accusais personnellement un certain retard dans ce domaine. Il me semble que beaucoup de mon énergie et la très vaste majorité de mon temps étaient consacrés à la lecture. Si Asimov, Heinlein, Dick, Simack, G.R.R Martin, Ballard, Barjavel, Leroux, Vernes et j’en passe, me faisaient voyager sur les frontières de l’espace et du temps d’autres auteurs avaient à mes yeux des vertus plus prosaïques.

C’est sur les frontières bien terrestres que je suivais Kessel, Hemingway, Cendrars, Rosny, Stevenson, Kipling, etc. C’est pourtant quelques années plus tard que je fixais dans mon esprit de manière définitive la définition des mots «aventure» et «aventurier» en découvrant avec passion les dessins et écrits d’Hugo Pratt. Hélas, ces définitions s’accompagnaient pour moi d’une réalisation assez douloureuse. J’étais bien trop lâche pour devenir moi-même un aventurier. Sans compter que je me butais à un problème un peu plus éthique. Comment de vrais aventuriers, comme Henri de Monfreid ou Rimbaud par exemple, pouvaient-ils concilier leurs actes et leur conscience, dichotomie récurrente que j’attribue à nombre d’aventuriers.

Mais, quoiqu’il en fut, l’envie de sentir les parfums capiteux, les essences exotiques, de voir les couleurs que j’imaginais au détour de pages jaunies et mille fois tournées, ne m’a jamais quittée. Et, c’est vrai, je fus assez chanceux et j’eus de nombreuses occasions de voyager. Mais depuis dix-huit ans maintenant, je rêve d’un voyage un peu plus global. Rien de moins qu’un tour du monde par voie terrestre et maritime. Je reviendrai plus tard (si j’y pense!) sur la raison qui fait que je n’essaie d’accomplir à présent qu’une partie de cette circumnavigation.

Mais pour le moment préoccupons-nous de ce trajet Montréal-Ushuaia, départ donc de (environ) 45 degrés de latitude nord, vers 54 degrés de latitude sud (d’où le nom de ce blog). Pas une route très originale, je le sais, mais j’aime l’effet miroir 45/54, nord/sud. Bien des motards plus imaginatifs que moi, ou peut-être plus ambitieux, jettent leur dévolu sur la route Prudhoe Bay(Alaska)-Ushuaia. La fin de la route la plus au nord et celle la plus au sud. Mais bon, j’habite Montréal, je ne suis pas assez courageux pour conduire vers le nord (c’est bien connu on monte vers le nord et on descend vers le sud, alors moi je descends, c’est plus facile quand même!), alors le choix s’impose un peu de lui-même. De plus du Mexique à l’Argentine, il y a bon an, mal an des centaines de voyageurs qui conduisent divers types de véhicules sans trop d’encombres. D’après mes sources (fiables, il va s’en dire!!!), rien que l’an passé, 192 personnes l’ont fait à moto, 108 en voiture, et n’oublions pas 37 cyclistes ainsi qu’un unijambiste borgne dans un fauteuil roulant à batteries cadmium-nickel (c’est recharger les batteries qui lui prend le plus de temps).

Ma route n’est pas planifiée et je vais tenter de poser mes roues dans un minimum de 14 pays, éventuellement si les circonstances en décident ainsi, 17 ou 18, tant et si longtemps que ma roue avant pointe plutôt vers le sud. Il est bien deux ou trois choses que je tiens à voir dans ce périple, mais hormis ces points de détails, je ne me fixe aucune contrainte quant au temps dévolu à chaque pays ou à l’itinéraire que j’y emprunterai.

La grande question est, je suppose, vais-je finir ce voyage?

Je vois déjà quelques adeptes infatigables d’un pyrrhonisme indécrottable me ressortir les preuves de mon côté pusillanime, encore tout surpris que j’entreprenne un tel voyage, la science n’ayant pas réussi à me greffer des nerfs d’acier, ni à m’enrober les gonades de tungstène. Mais ont-ils tort?

Vous connaissez sans doute de ces gens qui, une fois quelque chose de décidé vont tout mettre en œuvre pour accomplir leur plan initial, quoiqu’il en coûte, et ne reculerons devant rien pour arriver à leur fin.

Et bien, je dois donc avouer, en toute modestie, que je n’appartiens pas à cette catégorie. En tant que tel, je me garde le droit de faire demi-tour et de rentrer au bercail à la première panne, qu’elle soit mécanique, mentale ou physique. Au moins c’est dit! Vous ne serez pas surpris. Je dois aussi ajouter que Ushuaia n’est pas forcément un but en soit. Je ne veux pas partir avec la pression de ce but à atteindre sans faillir. Si je dois m’arrêter en route parce que tel lieu m’aura absolument captivé et que veuille y passer quatre mois, alors il en sera ainsi. Je vais tenter de progresser par étapes faciles, un tour de roue à la fois, premier but : passer le pont de l’Île Aux Tourtes.


Pourkoicétikiféssa maintenant?

Mon employeur a fait faillite il y a un peu plus d’un an. Je me suis réveillé un matin et je n’avais plus de travail. Un an plus tard, grâce à un savant dosage de pas de chance et d’incompétence pure et simple de ma part, je n’ai toujours pas de travail. L’hiver passé fut des plus démoralisants, la crise n’offrant pas énormément de possibilités d’emplois et surtout j’échouais, assez lamentablement, toutes les entrevues d’embauches que je passais. Puis un soir de mars 2009 l’idée est venue comme ça. Je lisais Daniel Pennac au lit. Comme quoi la saga des Malaussène peut-être une source d’inspiration qui dépasse les frontières de Belleville. En cinq minutes le projet était esquissé. Je n’avais plus de moto, pas d’argent, mais plus de travail, autrement dit je ne pouvais que m’enthousiasmer d’une idée aussi ridicule.

Le côté financier s’est résolu de lui-même. J’ai décroché un contrat de trois mois dans le grand nord canadien de mai à août, et ce n’est pas sans plaisir que je retournais au Nunavut où je n’avais pas mis les pieds depuis 2001. Il n’y avait plus d’obstacle à mon voyage. Certaines personnes, justement inquiètes, me dirent bien que je perdais mes chances de retrouver du travail avec un trou pareil dans mon C.V, et ils ont sans doute raison, mais je choisis de n’écouter que ceux qui me disaient de foncer et de profiter de cette opportunité. Je n’en voudrai qu’à moi quand je serai sur le B.S.