samedi 28 novembre 2009

La grande traversée du Honduras

Je n’aurais pas dû passer une journée oisive de plus à Copan. Je reviendrai à la raison de cette erreur plus tard.

J’ai quitté ce charmant village si accueillant sous la pluie. Je ne vais pas me plaindre c’est la troisième depuis mon départ il y a environ 7 semaines. La route est plutôt mauvaise au Honduras. Et pour couronner le tout il faut traverser le pays d’ouest en est avant de se rendre vers le sud ouest. Il n’y a que ce grand Z, un peu comme celui que Zorro nous faisait si bien de la pointe de l’épée, qui permette de traverser le pays. Les portions en terre étaient creusées pas les pluies des derniers jours, et ma vitesse moyenne assez basse. Et puis depuis le temps que je l’attendais, je ne l’ai pas vu venir, pris par surprise que je fus, par cette tentative d’arnaque. En trois heures j’avais passé quatre contrôles policiers. Tous plutôt brefs. Du style d’où tu viens, où tu vas?

Forcément j’avais baissé ma garde quand au cinquième je suis tombé sur mes premiers ripoux du voyage. Mon plan en tel cas, si on peut dire que j’avais un plan, était simple. Je le tiens du livre de Mr Harper, «1001 astuces pour devenir premier ministre du Canada», écrit dans sa jeunesse et sous-titré, «un jour je le serais moi aussi!». Astuce numéro 1 : si on te demande de l’argent, fait semblant de pas comprendre.

Difficile dans le cas qui nous occupe, je ne m’attendais pas au racket, et j’avais trahis ma connaissance (de base!) de la charmante et chantante langue ibérique. Donc apparemment, j’allais trop vite. Je ne dis pas que c’est impossible d’ailleurs, les panneaux étant assez rares, je ne suis pas certain de la vitesse limite à cet endroit. Mais quand je suis arrivé en vue du contrôle, je venais de doubler un bus qui me polluait les poumons depuis trois kilomètres et venait de s’arrêter pour un passager sur le bord de la route. J’étais en deuxième seulement. Bref, de toute façon ils n’ont pas de radar, alors…

Le policier me prend mon permis et me dis que je dois 50 dollars d’amende pour excès de vitesse.

-«Ha bon! Donner moi une amende et je paierai.»

-«C’est 50$, sinon on doit aller la payer au commissariat.»

-«D’accord allons au commissariat.»

-«Je garde ton permis jusqu’à ce que tu ais payé au commissariat.»

-«D’accord, allons au commissariat.»

Apparemment il n’a pas trop envie d’aller au commissariat, car il appelle un de ses collègues avec un carnet de contraventions.

-«Il va te mettre une contravention, il va falloir la payer au commissariat.»

-«D’accord»

-«Au commissariat, ce sera 80$.»

-«Allons au commissariat.»

Mon permis change de mains au profit du deuxième policier.

-«Je le garde jusqu’à ce que tu payes 50$.»

Il part prendre une marche de trois minutes et parler avec ses collègues. J’attends patiemment. Il revient à l’attaque.

-«Tu allais trop vite, il faut payer 50$.»

-«Je veux la preuve que j’allais trop vite.»

-«Quoi?»

-«Je veux la preuve que j’allais trop vite.»

Le premier revient aussi.

-«C’est la loi du Honduras, on n’a pas le droit d’aller trop vite.»

-«Je n’allais pas vite.»

-«Je t’ai vu tu allais trop vite.»

-«Je veux la preuve que j’allais trop vite.»

Le deuxième sbire, écrit sur son carnet, au cas où j’aurais manqué ce passage, «50$».

-«Je garde ton permis jusqu’à ce tu payes».

J’ai laissé échapper un soupir, ouvert ma sacoche de réservoir d’un air de désespoir. Le premier à souri jusqu’aux oreilles. Le second est resté stoïque. Mais je n’ai pas sorti d’argent juste mon carnet et un stylo.

-«Je veux ta pièce d’identité.»

-«Pourquoi?»

-«Tu as mon permis, je veux savoir qui a mon permis! Une pièce d’identité.»

Aussitôt il s’est tourné de profil. Possiblement pour cacher son nom sur sa veste. J’ai senti que la dynamique venait de changer. Le premier m’a dit que son partenaire était «Matante», s’il y a des hispanophones qui lisent ce blog, vous pouvez m’envoyer un courriel pour me donner la signification de ce mot. Merci d’avance.

Confiant dans le changement de paradigme, j’ai attrapé mon tourmenteur par la manche et je lui ai dit de me regarder quand je lui parle et de me donner sa pièce d’identité.

Il m’a aussitôt rendu mon permis et fait signe de circuler.

J’ouvre la marque, Yannick 1, pourris 0. Je suis certain qu’ils vont se rattraper plus tard, mais je suis un peu plus en confiance maintenant. Au contrôle suivant par contre, je ne me sentais pas pour recommencer le même cirque, alors quand le monsieur en bleu m’a fait signe de m’arrêter, j’ai pris l’air du poète cherchant l’inspiration au moment où il commence à manquer de rimes en «chbluque», le regard fixé sur la ligne bleue des Vosges et j’ai foncé sans m’arrêter, sans même jeter un coup d’œil aux rétroviseurs.

J’ai réussi à passer Tegucigalpa dans la journée. Je m’attendais aux habituels embouteillages et erreurs de parcours, mais non. Il y a une voie rapide qui traverse la ville de part en part. Facile.

Puis, sur ma lancée j’ai continué. Aucune ville avec hôtel ne se présentait à moi. J’ai fini par enfreindre une de mes règles d’or. Ne pas conduire la nuit. En plus, il a fallut que ce soit sous la pluie, sur des routes aux nids de poule assez imposants. J’en ai vu un qui avait englouti toute la voie de gauche sur 200 mètres ainsi que six maisons gentiment construites sur le bas côté. Et comme dit le proverbe, pluie au Honduras, route mouillée.

Trouver un hôtel ne fut pas facile dans ces conditions. Mais levé à six heures le lendemain, je pris le chemin de la frontière nicaraguayenne. C’est là que mon erreur vient me rattraper. Je voulais traverser aujourd’hui si possible pour éviter les élections honduriennes de dimanche. En dépassant les trois cents camions qui s’alignaient sur la route, je me suis dit que c’était pas bon signe. Arrivé devant la chaîne qui sert de barrière tous les helpers me criaient : «C’est fermé on ne passe pas». J’ai demandé à parler à un officiel. Effectivement la Nicaragua a fermé les frontières jusqu'à mardi matin. Génial, je suis coincé dans une ville frontière sans ressource pour les trois prochains jours avec l’armée à tous les coins de rue en cas d’émeute. Je crois que je vais pointer chez CNN pour la peine. Pas de panique notable pour le moment mais la queue devant la banque s’allonge sur des dizaines de mètres, les magasins sont pris d’assaut par des badauds calmes mais manifestement près pour la fin du monde, et les gens ne parlent que des élections.

Une chance j’ai trouvé devant la frontière des compagnons d’infortune. Nous avons pris un hôtel en ville, où les distractions sont rares, la vente d’alcool étant interdite jusqu’à après la sortie des urnes. Nous sommes donc 4 observateurs étrangers en ville, Philippe est français, Enko et Ronald Hollandais, et moi, je sais plus trop d’où je viens, mais je sais que pour le moment je ne vais nulle part.


Le régime hondurien, matin, midi et soir des baleadas sur le bord de la route (ici le soir dans le parc à Copan). Ouch! J'ai mordu dans la barquette, pas facile de prendre un autoportrait en mangeant.

Brève éclaircie avant le soir, je croyais naïvement que s'en était fini de la pluie pour la journée.

Pas ici non plus que je vais utiliser la piscine.
File monstre devant la banque avant le jour des élections.
Sinon les rues sont calmes pour le moment.
La résistance s'organise.

jeudi 26 novembre 2009

Encore des ruines.

Dans ce voyage je commence à développer deux tendances inhabituelles et involontaires. Je vais au restaurant sans avoir assez d’argent pour payer (trois fois!), et je prends les sens uniques à l’envers (deux fois!). C’est avec cette dernière entorse au code de la route que j’ai fait la rencontre d’Oscar. Je m’apprêtais à faire demi tour après avoir noté la façon dont tous les autres conducteurs de véhicules prenaient toute la largeur de la route et me regardaient bizarrement. Je demandais à ce brave homme assis sur sa moto indienne un hôtel avec sécurité pour la moto. Il proposa de m’accompagner. Puis arrivés, il visita une chambre avec moi pour être sûr que cela me convenait. Le prix lui ne me convenait pas trop, mais je négociais 10 dollars de rabais, ce qui en faisait un hôtel assez acceptable bien que presque aussi cher qu’un motel nord américain. Oscar me donnait aussi le nom d’un restaurant économique et d’un bar à visiter en ville.

Je venais d’essayer le restaurant et entrais dans le bar quand je tombais de nouveau sur Oscar. Après avoir partagé une bière, il me convia à faire la connaissance de son épouse qui travaille dans un café sur la place centrale. Moi qui voulais partir le lendemain après avoir visité les ruines, je me retrouvais bientôt avec une invitation à partager leur repas du midi. Pas de problème, je suis plus à un jour près.

Sans doute le meilleur repas que j’ai fait de ce voyage. J’ai aussi rencontré la mère d’Oscar qui est très fière de ses douze enfants. Du coup je me retrouvais invité à regarder le soir même le match Olimpia-Marathon, c’est une finale, ça ne se rate pas.

Dans l’intervalle, je me rendais aux fameuses ruines. Je me faisais arrêter à un contrôle de police un peu avant l’entrée, je me dis que ce coup-ci j’étais bon pour les flics corrompus qui rançonnent les voyageurs vu que je suis le seul véhicule qu’ils arrêtaient. Mais non! Ils me posent deux ou trois questions sur ma provenance, me souhaitent bienvenu au Honduras, et c’est tout.

Avant de pénétrer sur le site même des ruines on avance sur une large allée au milieu de la forêt. C’est déjà un climat tropical par ici. La nuit ne rafraîchie pas l’atmosphère lourde et les journées sont chaudes et humides. Dans ce bout de forêt, le plus surprenant est sans doute les bruits animaux. On croit deviner des chants d’oiseaux se répercutant entre les troncs des ceibas. Puis on voit d’abord les perroquets, les plus grands et voyants hôtes de ces bois. Ensuite l’amateur d’ornithologie reconnaît des patiaques à crête jaune, des merleux, des plumiers, des stégobulles rieurs. Il ne manque que des galinettes cendrées qui, parait-il, ont été implantées ici par un compagnon de Cortés originaire du Boucheuanois.

Le soir donc, je retrouvais Oscar pour le ‘futbol’. Malgré ce que l’on pense, la vie ne s’arrête pas en Amérique centrale pour une finale de foot. Mais alors par contre elle ralentie pas qu’un peu. Toutes les portes ouvertes crachent les sons brouillés de la rediffusion. Beaucoup de gens choisissent les bars. C’est ce que nous fîmes. Un simple toit de tôle avec un écran de toile. Les esprits s’échauffent assez vite, au rythme des tournées de Salva Vida, la bière locale. En plus Olimpia a perdu 2-0, pas une soirée à retenir. Du coup je me suis levé un peu dans le gaz après cette soirée. Je me vote une journée de repos de plus à Copan. En plus, pour me reposer les rétines, il y a ici une concentration peu commune de très jolies femmes. Et les hommes, ben! Ils portent des jeans, des bottes de cowboy et des chapeaux…


Oscar et sa maman.












Comme on peut le voir la chauve souris, ou Xeletotl était d'un grand recours dans la culture maya. Les attributs mâles de bonne taille nous rappellent que le sang de chauve souris est réputé comme étant un puissant aphrodisiaque. Mais quand on regarde le faciès quasi-humain on constate aussi que c'est une forte et durable source de constipation.

mercredi 25 novembre 2009

de la fureur et du bruit.

J’ai plus ou moins consciemment repoussé l’échéance de mon départ. Un savant dosage de procrastination et d’un penchant naturel pour le manque d’organisation. Après une journée plus ou moins productive à traîner au lit, flâner dans Antigua, bricoler sur la moto, je commençais à manquer d’excuses pour justifier une journée de plus ici, mais l’envie ne me manquait pas. Donc, je me suis dit qu’à 8H30 le lendemain matin, je serai en route pour la frontière hondurienne. Heu! Bon, d’abord un dernier tour en ville à moto. Puis emballage de mes affaires, repose de tout la bazar sur la moto. 10H35, je décollais enfin. Je n’arrivais pas vraiment à me consoler en me disant que pour une fois je n’avais pas à chercher la route pour sortir d’une ville. La magie d’Antigua opérait encore sur moi. Mais cette ville n’est pas la réalité. Je ne sais pas quelle conjonction astrale, Antigua est juste à côté du monde qui est notre quotidien. Elle a su rester loin de l’appât du tourisme massif, est en marge de la pauvreté parfois obscène qui est la réalité sordide du Guatemala.

La traversée de Guatemala Ciudad me remettait les idées en place. Plus d’une heure pour me perdre quelques fois et traverser cette ville monstrueuse. Le bruit, la chaleur et l’impuissance face à mes errances navigatoires m’ont vraiment stressé, après le calme et la paix d'Antigua, cette fureur et ce bruit m'ont excédés. Pourtant ce n’était rien par rapport à Mexico. Un conseil à tous les voyageurs, ne demander pas votre route à quatre policiers en même temps. J’ai obtenu quatre routes différentes, et ils ont commencés à argumenter pour savoir qui avait la meilleure information. J’ai tracé la route avant qu’il ne tire à vue.

Je comptais renouveler l’opération approche de frontière pratiquée au Mexique. J’étais en vue de la frontière un peu avant 16 heures. Premier mouvement, dépasser les 150 camions qui attendaient leur tour. C’était plutôt tranquille une fois en avant de la ligne. Je me décidais aussitôt à tenter le coup. Pas la peine de repousser une inévitable échéance. Un «helper» et trois changeurs m’accostaient aussitôt. Je déclinais l’offre des changeurs pour le moment. Mon helper, ne me laissait pas le choix et me montrait vers quels guichets me rendre et précisaient que les changeurs étaient honnêtes et que j’aurai un bon taux (ce qui est vrai, j’ai vérifié en ligne le taux de change hier). Je dois d’abord me sortir du Guatemala. Coût 10 quetzals (12 cents). Puis renter au Honduras, qui est le guichet voisin. Coût 3 dollars US. Ensuite, je dois faire sortir la moto du Guatemala, au guichet trois camionneurs qui attendent en ligne me disent de passer devant, les routiers sont sympas dans le coin, sans doute veulent-ils se faire pardonner d’avoir essayer de me tuer environ 176 fois depuis deux semaines, ou alors par solidarité pour leurs confrères encore sur les routes ils veulent que leur cible favorite (moi!), se retrouve le plus vite possible dans le champ de mire. Coût de l’affaire : gratuit. Fait en 5 minutes.

Puis, je roule sur 200 mètres pour l’importation temporaire au Honduras. Fonctionnaire plutôt cool si ce n’est totalement ravi de me servir, m’explique bien la paperasse, ne montre aucune émotion quand je lui sors toutes les photocopies qu’il me demande. Coût de la chose 29$US. Pas une seule tentative de m’extorquer de l’argent. Le helper ne s’est pas fait payer pour son aide. En plus je n’ai pas eu une seule arrestation de la police guatémaltèque pour recevoir des petits cadeaux sous forme de billets vers de tonton Sam. Je n’en reviens pas pour le moment de ma chance dans ce registre, malgré tous les avertissements que j’ai reçu.

Premiers tours de roues pas trop dépaysant. Ici aussi comme au Guatemala on ne parle pas de topes, mais de tumulos. Quand je me suis tapé le premier au Guatemala, j’ai réalisé que le nom ne cachait pas de différence, si ce n’est que les mexicains sont peut être moins avares de signalisation que leurs voisins du sud, qui se montrent aussi très créatifs quand aux endroits où ils les placent. Vaut mieux être sur ses gardes! Encore moins de préavis pour les tumulos honduriens, et la même imagination quand à leur forme biscornue.

Je suis donc à Copan. Une soirée intéressante, que je vous raconterais la prochaine fois, quand j’aurais des photos à publier. Sachez cependant qu'il pleut dru. Je n'avais pas vu la pluie depuis bien longtemps.

lundi 23 novembre 2009

Les volcans

J’ai fini par arriver à Antigua. Comment y échapper?

Une diffuse dichotomie à l’esprit bien sûr. Si mes problèmes mécaniques, maintenant choses du passé (du moins pour le moment!) ne furent pas mes fourches caudines, comment une ville aussi magique soit-elle pourrait être mon île des Lotophages?

C’est donc bercé entre l’idée de réconfort de retrouver cette ville qui m’avait tant charmée et la crainte mystique de ne pouvoir en repartir que je frappais en fin d’après-midi à la porte d’Olga.

La magie est toujours présente dans l’air, je le remarquais dès mes premiers pas aux alentours, à peine après avoir déchargé la moto.

Il me fallait donc m’activer si je ne voulais pas rester captif de cet envoûtement patent.

Le volcan Pacaya crache un flot continu de lave depuis quatre ans et demi. J’avais bien l’intention de ne pas rater ce spectacle. Malgré mon manque de place dans mes bagages, je me promène toujours avec ma panoplie miniature d’Haroun Tazieff en goguette.

Le vent fort du soir poussait un impressionnant nuage continu de vapeurs sulfureuses en direction du nord. La lave coulait parait-il sur le versant opposé à celui de notre ascension. La montée dans ce paysage stérile ne laisse pas présager un quelconque spectacle hors du commun. Soudain venues du sol, des vagues de chaleur emplissent l’atmosphère, puis s’insinuent par nos chaussures contrastant avec l’air vif de l’altitude. Puis par des lèvres entrouvertes de lave durcie on aperçoit par endroit une lueur orangée de lave en fusion. Bof! C’est tout?

Arrivé au sommet dans les dernières lueurs du jour les silhouettes de randonneurs arrivés plus tôt se découpent sur l’horizon. L’air est distordu par les émanations de chaleur intense s’élevant d’une rivière de lave encore invisible à mes yeux. Mais alors quand enfin on peut le voir, ce flot de matière brûlante, quel spectacle! L’air est à peine respirable tant il est surchauffé. Le magma s’écoule avec un aspect mi-solide mi-liquide d’un orange profond, réponse bouillonnante aux lueurs pâlissantes du soleil couchant. Le refroidissement de l’air noircissant les bords de l’écoulement irréel en créant ainsi son propre lit à la rivière sans cesse changeante. Une odeur de caoutchouc brûlé signale qu’un curieux s’est approché un peu trop près et que ses semelles se liquéfient à leur tour. Un américain qui voulait allumer sa cigarette directement dans la lave. L’avantage des pays comme le Guatemala sans doute. Pas de barrière pour protéger les imbéciles de leur propre bêtise, ni d’avertissement pour les trop intrépides. Sélection naturelle chère à Darwin.

La fameuse arche d'Antigua, et le volcan Agua :

De droite à gauche sur la photo ci dessous, les volcans Agua, Acatenango et Fuego. Le petit nuage au dessus du Fuego, n'est pas un nuage. Le fuego est l'un des 38 volcans actifs du Guatemala, il lâche un nuage de cendres toutes les 20 minutes en moyenne.









dimanche 22 novembre 2009

Hors des sentiers battus


En y repensant, je me demande si ce n’était pas une erreur!

Face à Panajachel se dressent les volcans jumeaux Tomilàn et Atitlàn, et un peu sur la droite, San Pedro. Il y a une route que fait le tour du lac jusqu’au village de San Pedro. Mais, j’ai encore voulu faire mon malin. Il y a plusieurs villages indigènes qui séparent Panajachel de Tomilàn, et ils sont reliés par un chemin qui doit offrir une vue plus avantageuse du lac.

Au début, ça allait plutôt bien. Village sympathique aux rues étroites, Santa Catarina ne fut pas un gros challenge. Après le deuxième village, aux rues encore plus étroites et tortueuses à la déclivité importante, les choses se gâtent sérieusement.

On se sent un peu hors de notre monde, toutes ses femmes vêtues de la même tenue traditionnelle qui sont partout, à qui portant un fagot de bois sur la tête, à qui quelque ballot entouré d’un linge impose un dépaysement assez total. Ces rues absolument pas faites pour les véhicules automobiles, mais plus pour les ânes, donnent une impression de ce que pouvait être une ville d’Europe au moyen-âge. Et puis il fallut attaquer la piste. Elle aussi faite pour les bêtes de bâts. Des ornières profondes creusées par les pluies, des roches grosses comme des ballons, du sable mou. Et les pentes, des murs!!! Les montées sont assez brèves, mais en épingle à cheveu. Dans certaines, je dois reculer pour m’aligner avec la montée suivante.

À la première difficulté technique, mon premier réflexe fut le mauvais. La roue avant s’enfonçait dans le sable mou, forçant le guidon vers la gauche, couchant la moto sur le côté. Une option que je ne voulais pas me permettre, étant donné que sur le plat je ne peux déjà pas relever la bête. Une chance, le deuxième réflexe est arrivé juste à temps. Le bon celui-là. J’ai ouvert les gaz en grand. Quelle moto impressionnante quand même. Elle a réagit instantanément, malgré la charge quelle portait, malgré le sous régime dans lequel je l’avais laissé tomber. Bond en avant brusque, pendant que la roue arrière se creusait une ornière, projetant pierres et roches dans une grêle minérale que je ne me retournais pas pour contempler. S’en suivi plusieurs heures d’un manège qui paru sans fin. Je ne sais par quel miracle je ne suis pas tombé, ce qui aurait été vraiment très pénible, mais sûrement pas grâce à mes qualités exceptionnelles de pilote.

Je n’en ai pas profité pour admirer le paysage, ma concentration n’était interrompue que part les lourdes gouttes de sueur me tombant sur les yeux. Je voyais bien la guerre que se livraient volcans et nuages par contre. Ces derniers se jetaient avec une force qui paraissait amplifiée par le vent violent sur les arrêtes rocheuses qui opposaient une résistance têtue. Le spectacle des nuages se déchirant dans un sacrifice inutile ne me distrayait pas longtemps car je ne voyais pas le bout de mon ascension et celle ci requerrait beaucoup d'energie .

Pour combler le tout, le temps que j’arrive au pied des volcans, les nuages avaient remplis le ciel dans leur lutte dérisoire pour un territoire à mes yeux immuable, et me cachaient la vue des sommets. J’ai pris la première route que j’ai trouvée, sans même me demander où elle menait. Sortir de ces chemins infernaux, peu importe le reste…




Un cauchemar du gars d'hydro:



vendredi 20 novembre 2009

Ça a bien été tout de même...

Cinq minutes avant l’ouverture je me présentais devant le bureau d’importation des véhicules mexicain, papiers en main et prêt pour le coup de feu. Plutôt sympa, le fonctionnaire commence à remplir les papiers en m’expliquant ce qu’il faisait. Puis il demande à voir la moto, l’inspecte brièvement prend le numéro de série en photo. De retour à son bureau il imprime mon autorisation de sortie, m’explique encore une ou deux choses, et m’indique le bureau des passeports. Autre accueil de ce bord là. Pas un mot en réponse à mon cordial buenos dias. Je tends le passeport, reçoit le coup de tampon tant désiré, retour du document, pas de au revoir. Au moins ce fut rapide.

Je saute en selle et fouette mon 750 en direction du «no man’s land» qui sépare les deux pays, un petit bout de route de trois kilomètres qui grimpe raide vers le Guatemala.

Puis le choc. On ne s’y attend pas du tout. Sans transition on se retrouve plongé dans une autre dimension. Au détour d’un virage, sans prévenir, des milliers de personnes qui tiennent des boutiques de fortune, de toile, de carton et de tôles. Une foule compacte, qui nous aspire moi et ma moto. L’étau se resserre sur nous, les gens prêtant à peine attention à moi, me laisse juste la place pour passer. De plus la route a fait place à un chemin de terre défoncé, et les deux facteurs cumulés font que je ne passe pas plus que la première. Suis-je déjà au Guatemala? Où sont les douanes? Je n’ai pas le choix, j’avance sans aucune idée de ce que je dois faire Vaguement inquiet, j’ai la vision fugace d’une espèce de Joseph K. qui se ferait dévorer par un organisme vivant dans lequel il serait pris pour un envahisseur agaçant des globules blancs. Je m’arrête pour demander des renseignements mais je n’ai pas le temps de formuler ma question, je suis poussé, klaxonné, hué et finalement redémarre sans avoir obtenu d’autre réponse à ma muette interrogation qu’un signe vague du bras en direction de la gauche. J’y vois quand même un signe salvateur et tourne à gauche sur une voie en béton inégal. Finalement un moustachu adipeux portant un gilet réfléchissant me fait signe de m’arrêter. J’obtempère. Il m’explique que c’est la fumigation, et qu’il m’en coûtera 12 Quetzals 45, et que je dois débarquer de la moto. De nouveau, j’obtempère, docile. Un peu une blague leur fumigation. Il fait un tour rapide de la moto avec un pulvérisateur en projetant sur la partie des roues qui touche le sol un liquide inconnu, mais incolore et inodore. Satisfait des 12 secondes qu’il a mit à faire son tour il me demande de le payer. J’ai déjà trois changeurs d’argent de rue qui m’achalent pour changer des dollars ou des pesos. Je les ignore, aillant encore de la monnaie locale de mon dernier passage au Guatemala. Une fois payé, on me fait signe de me déplacer de deux mètres pour le bureau des passeports. Une vieille madame édenté et au sourire immense, me tamponne énergiquement une page vierge, et me voyant attendre quelque chose d’autre, me dit que c’est tout, je peux passer mon chemin. Je marche au bureau suivant qui est désigné comme étant la «Aduana». On m’y interdit l’entrée et me demande de stationner la moto devant. Bon, je veux bien elle est à deux mètres de là. Je la pousse c’est plus simple.

De nouveau un fonctionnaire sympathique me demande les documents qu’il désire, photocopie gratuitement ce qu’il souhaite avoir en double, m’explique mes responsabilités quant à l’importation d’un véhicule et m’envoie payer la facture à la banque d’état qui perçoit les taxes. 40 Quetzals, bien moins cher qu’au Mexique. Le temps de faire deux pas vers la banque et je suis de nouveau assailli par les changeurs, dont je décline encore les offres, sûrement pas alléchantes. Et voilà, je suis libre de circuler au Guatemala. Beaucoup plus facile que ce que je m’attendais à affronter. Du moment où on m’a ouvert les portes pour l’exportation de la moto au Mexique jusqu’à ce que je remonte en selle pour quitter la Aduana il ne s’est écoulé que 53 minutes. On est loin des trois ou quatre heures que j’ai pu lire décrites sur certains forums. Peut-être à la prochaine, ce sera Guatemala-Honduras, décrite comme la pire expérience du genre par bien des voyageurs. On verra quand j’y serai.

Une fois sorti de la ville de La Mesilla et de ses boutiquiers dont les plus hardis haranguent le chaland sans vergogne, la route devient splendide. Il n’y avait pas d’autre endroit logique où placer cette frontière, j’en conviens. La route suit une vallée où coule une rivière pour pénétrer cette masse de montagnes compactes qui s’élève du côté guatémaltèque. On monte doucement, au rythme de la rivière, vers des plateaux à la végétation luxuriante, où le vert est dominant.

Je fais un détour par Quezaltenango dont on m’a parlé en bien, peut-être pour y passer ma première nuit au Guatemala. Je n’y suis resté que deux heures. J’ai bien aimé la ville pourtant. Il y règne quelque chose de subtil qui indique que je ne suis plus au Mexique. Je suis cependant incapable de dire quoi. Pas mieux, ou pire, mais indéniablement différent. J’ai eu l’impression fugitive un moment de me retrouver à Antigua. Mais une Antigua sous amphétamines, dopée aux stéroïdes. C’était trop grand. J’avais, je crois, besoin de repos des embouteillages des villes mexicaines et de leur litanie sans fin d’avertisseurs sonores.

J’ai trouvé ça à Panajachel. Sur les bord du Lac D’Atitlan. C’est excessivement touristique, mais le paysage des bords du lac sont magnifiques, et les piétons envahissent les rues bordées de vendeurs de souvenirs dans une ambiance bon enfant.

Je n’ai pas tourné trop longtemps pour un hôtel. En passant j’en ai éliminé plusieurs sans même prendre la peine de vérifier, à vue d’œil trop chers ou pas d’accès évident pour la moto. Le premier qui semblait correspondre à mes critères fut le bon. Grand porche, sur une rue secondaire (à sens unique que j’ai d’ailleurs pris à l’envers par mégarde!). Quand le monsieur de l’accueil m’a dit le prix j’ai pensé m’être trompé dans le conversion. Mais non, 5 dollars canadiens la chambre. Petite, mais propre, avec salle de bain commune à l’extérieur. Parfait!






C'est à Las Piedras, au Guatemala, que George Arnaud à eu l'idée de son génial roman «Le salaire de la peur». Si vous êtes pas du genre lecteur de roman, je vous autorise le visionnement du film d'Henri George Clouzot, du même nom. Il a très bien rendu l'ambiance, et surtout la relation qui se développe entre les deux protagonistes principaux. Bref, quand j'ai vu ce camion j'ai tout de suite pensé qu'il était de nature à inspirer une histoire similaire. Quand je lui ai dit combien son camion était cool, le chauffeur voulait me l'échanger contre la moto. Je dis pas que j'ai pas été tenté...