vendredi 20 novembre 2009

Ça a bien été tout de même...

Cinq minutes avant l’ouverture je me présentais devant le bureau d’importation des véhicules mexicain, papiers en main et prêt pour le coup de feu. Plutôt sympa, le fonctionnaire commence à remplir les papiers en m’expliquant ce qu’il faisait. Puis il demande à voir la moto, l’inspecte brièvement prend le numéro de série en photo. De retour à son bureau il imprime mon autorisation de sortie, m’explique encore une ou deux choses, et m’indique le bureau des passeports. Autre accueil de ce bord là. Pas un mot en réponse à mon cordial buenos dias. Je tends le passeport, reçoit le coup de tampon tant désiré, retour du document, pas de au revoir. Au moins ce fut rapide.

Je saute en selle et fouette mon 750 en direction du «no man’s land» qui sépare les deux pays, un petit bout de route de trois kilomètres qui grimpe raide vers le Guatemala.

Puis le choc. On ne s’y attend pas du tout. Sans transition on se retrouve plongé dans une autre dimension. Au détour d’un virage, sans prévenir, des milliers de personnes qui tiennent des boutiques de fortune, de toile, de carton et de tôles. Une foule compacte, qui nous aspire moi et ma moto. L’étau se resserre sur nous, les gens prêtant à peine attention à moi, me laisse juste la place pour passer. De plus la route a fait place à un chemin de terre défoncé, et les deux facteurs cumulés font que je ne passe pas plus que la première. Suis-je déjà au Guatemala? Où sont les douanes? Je n’ai pas le choix, j’avance sans aucune idée de ce que je dois faire Vaguement inquiet, j’ai la vision fugace d’une espèce de Joseph K. qui se ferait dévorer par un organisme vivant dans lequel il serait pris pour un envahisseur agaçant des globules blancs. Je m’arrête pour demander des renseignements mais je n’ai pas le temps de formuler ma question, je suis poussé, klaxonné, hué et finalement redémarre sans avoir obtenu d’autre réponse à ma muette interrogation qu’un signe vague du bras en direction de la gauche. J’y vois quand même un signe salvateur et tourne à gauche sur une voie en béton inégal. Finalement un moustachu adipeux portant un gilet réfléchissant me fait signe de m’arrêter. J’obtempère. Il m’explique que c’est la fumigation, et qu’il m’en coûtera 12 Quetzals 45, et que je dois débarquer de la moto. De nouveau, j’obtempère, docile. Un peu une blague leur fumigation. Il fait un tour rapide de la moto avec un pulvérisateur en projetant sur la partie des roues qui touche le sol un liquide inconnu, mais incolore et inodore. Satisfait des 12 secondes qu’il a mit à faire son tour il me demande de le payer. J’ai déjà trois changeurs d’argent de rue qui m’achalent pour changer des dollars ou des pesos. Je les ignore, aillant encore de la monnaie locale de mon dernier passage au Guatemala. Une fois payé, on me fait signe de me déplacer de deux mètres pour le bureau des passeports. Une vieille madame édenté et au sourire immense, me tamponne énergiquement une page vierge, et me voyant attendre quelque chose d’autre, me dit que c’est tout, je peux passer mon chemin. Je marche au bureau suivant qui est désigné comme étant la «Aduana». On m’y interdit l’entrée et me demande de stationner la moto devant. Bon, je veux bien elle est à deux mètres de là. Je la pousse c’est plus simple.

De nouveau un fonctionnaire sympathique me demande les documents qu’il désire, photocopie gratuitement ce qu’il souhaite avoir en double, m’explique mes responsabilités quant à l’importation d’un véhicule et m’envoie payer la facture à la banque d’état qui perçoit les taxes. 40 Quetzals, bien moins cher qu’au Mexique. Le temps de faire deux pas vers la banque et je suis de nouveau assailli par les changeurs, dont je décline encore les offres, sûrement pas alléchantes. Et voilà, je suis libre de circuler au Guatemala. Beaucoup plus facile que ce que je m’attendais à affronter. Du moment où on m’a ouvert les portes pour l’exportation de la moto au Mexique jusqu’à ce que je remonte en selle pour quitter la Aduana il ne s’est écoulé que 53 minutes. On est loin des trois ou quatre heures que j’ai pu lire décrites sur certains forums. Peut-être à la prochaine, ce sera Guatemala-Honduras, décrite comme la pire expérience du genre par bien des voyageurs. On verra quand j’y serai.

Une fois sorti de la ville de La Mesilla et de ses boutiquiers dont les plus hardis haranguent le chaland sans vergogne, la route devient splendide. Il n’y avait pas d’autre endroit logique où placer cette frontière, j’en conviens. La route suit une vallée où coule une rivière pour pénétrer cette masse de montagnes compactes qui s’élève du côté guatémaltèque. On monte doucement, au rythme de la rivière, vers des plateaux à la végétation luxuriante, où le vert est dominant.

Je fais un détour par Quezaltenango dont on m’a parlé en bien, peut-être pour y passer ma première nuit au Guatemala. Je n’y suis resté que deux heures. J’ai bien aimé la ville pourtant. Il y règne quelque chose de subtil qui indique que je ne suis plus au Mexique. Je suis cependant incapable de dire quoi. Pas mieux, ou pire, mais indéniablement différent. J’ai eu l’impression fugitive un moment de me retrouver à Antigua. Mais une Antigua sous amphétamines, dopée aux stéroïdes. C’était trop grand. J’avais, je crois, besoin de repos des embouteillages des villes mexicaines et de leur litanie sans fin d’avertisseurs sonores.

J’ai trouvé ça à Panajachel. Sur les bord du Lac D’Atitlan. C’est excessivement touristique, mais le paysage des bords du lac sont magnifiques, et les piétons envahissent les rues bordées de vendeurs de souvenirs dans une ambiance bon enfant.

Je n’ai pas tourné trop longtemps pour un hôtel. En passant j’en ai éliminé plusieurs sans même prendre la peine de vérifier, à vue d’œil trop chers ou pas d’accès évident pour la moto. Le premier qui semblait correspondre à mes critères fut le bon. Grand porche, sur une rue secondaire (à sens unique que j’ai d’ailleurs pris à l’envers par mégarde!). Quand le monsieur de l’accueil m’a dit le prix j’ai pensé m’être trompé dans le conversion. Mais non, 5 dollars canadiens la chambre. Petite, mais propre, avec salle de bain commune à l’extérieur. Parfait!






C'est à Las Piedras, au Guatemala, que George Arnaud à eu l'idée de son génial roman «Le salaire de la peur». Si vous êtes pas du genre lecteur de roman, je vous autorise le visionnement du film d'Henri George Clouzot, du même nom. Il a très bien rendu l'ambiance, et surtout la relation qui se développe entre les deux protagonistes principaux. Bref, quand j'ai vu ce camion j'ai tout de suite pensé qu'il était de nature à inspirer une histoire similaire. Quand je lui ai dit combien son camion était cool, le chauffeur voulait me l'échanger contre la moto. Je dis pas que j'ai pas été tenté...