vendredi 13 novembre 2009

Coincé dans les embouteillages

Sept heures trente. Parfaitement, c’est l’heure à laquelle je suis parti ce matin. Me connaissant, faut le faire, je suis pas du genre lève tôt. Mais je savais que la journée serait rude. J’avais pour mission de traverser la banlieue de Mexico sans prendre une seule autoroute à péage et me mettre sur la route d’Oaxaca. Il faisait frais, par ce petit matin pourtant ensoleillé. 3 degrés. La gelée recouvrait encore la route par endroit.

Il faut vous faire un petit portrait du paysage pour vous faire une idée. Depuis le départ de Guadalajara, je suis de nouveau dans les montagnes. Autant celles du nord du pays, vers la région des canyons étaient torturées autant celles-ci sont douces. Les deux paysages sont aussi dramatiques à l’œil, mais bien différents. Quelque dieu pris de folie passagère semble s’être acharné sur le nord, le creusant de profonds ravins sinueux s’imbriquant tel des légos démentiels, sans répit aucun les creux et les pics s’alternent. Ici la géologie fut sans doute aussi frappante, mais le résultat aujourd’hui est plus apaisé. Les crêtes aux formes volcaniques se répercutant de loin en loin se laissent parcourir sur de longues courbes plus sensuelles que les violentes boucles racées des canyons. De plus, ici la végétation est toute différente. De grands arbres, mélange de feuillus et de pins ombragent la route, et par l’entremise de minces clairières permettent à l’occasion de percevoir le relief. L’herbe courte et dense qui pousse le long de la route est d’un vert profond, et ce matin gorgée de givre. Le début de matinée bien que frisquet fut donc des plus agréables.

Une soixantaine de kilomètres avant Mexico, la folie commence. On dirait bien que 12 millions de personnes se sont données comme ordre du jour de tourner en rond en voiture autour de la ville pour me pourrir la vie. Ne pas avoir de carte n’est pas non plus le meilleur moyen de se retrouver, et le gouvernement est plutôt chiche de panneaux indicateurs.

Sauf le panneau de Saltillo, que je vois partout depuis 3 jours. Pas moyen de faire taire cette voix venue des années soixante qui me dit à chaque fois : ‘Non, mais t’entends ça Rocco, y dit qu’on connaît pas Saltillo!’. Ouais, t’es bien gentil Lino, j’aimerais bien moi aussi connaître Saltillo mais, retourne toi dans ta tombe si tu veux, ce sera pour une autre fois.

Par contre, il y a un tout petit détour que je me suis autorisé. Cuernavaca. Difficile de passer si près et de ne pas s’arrêter. Je ne m’attendais pas à retrouver l’essence du lieu ni rien du genre, ce n’est pas non plus un pèlerinage. Mais pouvoir dire j’y suis passé, j’y ai même manger, lorsque je relierais la livre.

‘Under The Volcano’, bien sûr, de Malcolm Lowry. C’est ici qu’il a eut l’idée de créer ce chef d’oeuvre de la littérature, même s’il l’a remanié pendant une douzaine d’années après ça. Du centre où j’ai pris un rapide déjeuner on ne voit aucun des deux volcans qui surplombent Curenavaca. Mais imaginer ce que la fin des années 30 devait être ici, revivre la poésie qui remplie les pages de cet ouvrage, de même qu’un certain nihilisme qui met mal à l’aise, valait bien ce petit détour.

Je me suis donc jeté de nouveau dans les embouteillages monstres qui mangent ces villes limitrophes de Mexico. J’y suis allé vraiment au hasard. Au quinzième village dont je ne trouve pas le nom sur ma carte je me suis dit que ça devait pas mal ressembler à ça être perdu. Pas le choix j’ai continué dans le direction approximative du sud est. Pas la peine de demander de l’aide, Oaxaca est bien trop loin, tous les gens à qui j’ai demandé m’ont systématiquement envoyés vers les autoroutes payantes. En plus il commence à faire vraiment chaud. Trente degrés sur les coups de midi. Je cuis au bain marie dans ma tenue de moto. Je suis au moins certain que mes bottes sont bien étanches, au moins de l’intérieur vers l’extérieur, pas une goutte de sueur ne s’échappe. Les tendons de mon poignet gauche me brûlent à force de débrayer à tout bout de champ. Une chance que le ventilateur fonctionne comme il faut, sinon ce n’aurait même pas été possible.

Mais les bonnes choses ayant une fin je me retrouve enfin sur la route d’Oaxaca, sans être revenu sur mes pas une seule fois, les cactus font de nouveau partis du paysage, laissant loin derrière les forêts verdoyantes du matin.

Je suis à Acatlàn De Osorio, 275 km à vol d’oiseau de mon point de départ. 419 km de routes, pas forcément les plus directes, onze heures de moto pour les faire, soit 38Km/h de moyenne, ouch!

La nuit tombait quand je suis arrivé dans le village. Le premier hôtel où je me suis renseigné était un peu cher (tout est relatif, 22 de nos dollars), mais le monsieur qui était là pour me recevoir m’a fait rire. Quand je lui ai dit que c’était trop cher pour mon budget, il m’a dit qu’ils offraient : ‘le confort, la propreté, la sécurité, et…’, petite pause avec un sourire malicieux en se pointant du doigt, ‘aussi un ami!’.

Il venait de me ré-inventer la publicité des pharmacies Jean Coutu, je pouvais pas aller voir ailleurs quand même.

Et puis j’en avais plein les bottes de cette journée. Une belle chambre avec salle de bain, les géraniums qui bordent l’allée centrale, une place tranquille pour la moto, ça vaut bien 22 dollars.

Après que mon bonhomme m’ait raconté un conte indien, comme il dit, je suis allé ma balader en ville. J’adore les villes le soir, surtout quand il fait chaud. N’ayant pas été malade la veille je me retente les tacos de bord de route, et les déguste dehors sur la place de l’église, pas aussi bons que la veille, mais bienvenus quand même.

Il y a une fête en ville et les feux d’artifice éclatent sporadiquement dans les colonias du village. Une soirée magnifique, belle récompense pour une journée de route un peu fatigante.


Mon conteur d'un soir.
L'hôtel Plaza.
Au fond on aperçoit un des feux d'artifice(sous les feux de circulation).