mardi 3 novembre 2009

À l'ouest, du nouveau.

Je sais enfin ce qui me dérange le plus dans ce charmant petit village américain. Je suis le seul piéton. Pas une âme qui ne se déplace à pied ici. Je crois que c’est le contraste avec Antigua qui m’a fait réaliser cette anomalie. J’ai passé, quoi, 6 jours ici, et au total j’ai vu 3 ou 4 personnes en dehors de leur voiture. Oui, j’exagère, il y a bien des gens qui descendent de leur voiture, pour aller dans des magasins divers, mais pas pour se rendre quelque part à pied. Pas plus que quelques mètres, surtout ne pas traverser la rue, c’est plus facile de reprendre l’autoroute, sortir à la prochaine, faire demi-tour et revenir dans le sens opposé. Encore là, c’est pas obligé non plus, toutes les banques, les restaurants, les fleuristes ont leurs guichets pour autos. Faudra que je vérifie, si ça trouve même les entreprises de pompes funèbres ont leur «service à l’auto».

Ça y est je vous ai servi ma réflexion philosophique du jour, alors revenons en à la question existentielle du moment. La moto, elle marche ou pas?

Dès l’ouverture je me présentais, frais comme un gardon (pêché la veille) devant les grilles de mon magasin de moto préféré en ville. Oui, le seul je sais, mais on fait avec ce qu’on a!

Ils n’étaient pas plus émus de me revoir que si j’étais le gars de Fedex qui livre les colis sur les coups de 10 heures 14. On me dit que m’a moto est prête. Ben, c’est une bonne nouvelle ça. Je demande si cela aurait été très difficile de répondre aux courriels, mais on me dit qu’internet ne fonctionne pas bien ces derniers jours. Bon, au moins ces 11 derniers alors…

Passons, je vais chercher ma moto dans l’atelier. Là encore, je ne soulève guère les passions, un regard morne, comme celui que servait le chien du plombier qui habitait le côté impair de ma rue en voyant passé le curé, en guise de salut, pas plus. Moi, nouvellement social comme être humain, je me risque à une poignée de main et un mot gentil, en l’occurrence : bonjour.

Alors, oui, elle fonctionne la moto. Un peu!

Heu! On peut m’expliquer le ‘un peu’?

Il parait que le stator débite normalement, le régulateur régule, mais à la batterie il manque 2 volts. Ils savent vraiment pas où ils sont passées ces deux volts, ils se perdent quelque part en route, et eux, ils arrivent pas à les retrouver. J’ai un peu l’impression qu’ils n’ont pas cherchés trop fort non plus. J’en ai un peu ma claque de ce bled, moi. Je ramasse mes affaires dans l’atelier, sors la moto, charge, tourne la clef de contact, appuie sur le démarreur, et la moto me fait ‘beuhhhh, beuhhhh, beuuuuuuuuh, clic!’. Batterie vidée. Super, pourquoi je ne suis pas resté au Guatémala déjà?

On fait le coup habituel de survoltage de batterie, démarrage sans problème. Le metrix est de nouveau de sorti, c’est fou ce que j’en vois des testeurs comme celui là depuis deux semaines. La batterie se recharge, c’est bon signe. Ouais, sauf au ralenti, où elle se décharge. Je me souviens que je leur avais demandé de faire des tests avec le GPS allumé pour voir le résultat. Bien sûr, ils ne l’ont pas fait, faut pas abuser quand même. Bon, si je veux voyager avec cette moto, j’ai juste à déconnecter les lumières en tout temps, et pas utiliser le GPS, puis pas la laisser tourner au ralenti. Tout va bien alors, au revoir messieurs, dames, ce fut un plaisir de passer par ici.

Je retourne au motel. Faut que je me décide sur les choix immédiats. Je vais faire une virée dans les alentours pour voir si ça passe ou ça casse avec cette réparation, ça me parait un bon plan. Je vire tout le matériel dans la chambre et en route. J’avais vraiment envie de rouler un peu. Ça a fait du bien, un bien pas possible de remettre les fesses en selle. 210 kilomètres, un peu de chemin de gravelle, un peu de route de cambrousse. Dans la foulée, j’ai passé la ‘continental divide’, ça m’aura pris plus longtemps que je pensais pour passé à l’ouest.

Je me suis aussi arrêté parler à une cycliste. Ce matin alors que je sortais de ma chambre pour allez aux nouvelles de ma moto, je l’ai vu passer dans la rue. Puis je l’ai doublé sur la route durant ma promenade, elle avait fait un bon 60 kilomètres. Quand plus tard je l’ai aperçu de nouveau cherchant son chemin, je me suis arrêté pour lui parler cinq minutes. Carrie est partie de Pennsylvanie il y a 66 jours et se rend à San Diego avec son vélo. Assez impressionnant je trouve. Elle trouve juste que les journées sont trop courtes, elle aimerait pédaler plus longtemps chaque jour. En fait, si on regarde la moyenne kilométrique par jour, je ne fais pas vraiment beaucoup mieux qu’elle. Ouch!

210 Km donc, et la batterie est encore bien chargée. Faut dire que je n’utilisais pas grand-chose sur le système électrique. Je me réserve le GPS pour quand je serais…non pas perdu, juste un peu égaré. Je ne vais rebrancher qu’une lumière avant. La meilleure chose à faire serait de rentrer à la maison, je suis pas mal certain que le système va me lâcher de nouveau, il y a quelque chose de pas trop normal dans la perte de ces deux volts. Peut-être dans le faisceau, que sais-je. Ou bien aller vers une grande ville et la faire réparer par de gens qui s’y connaissent un minimum. C’est le choix le plus logique. Mais bon, si j’étais un gars qui fait des choix logiques, je serais chez moi en train de me chercher du travail.

Je commence à en avoir un peu marre des USA. Puis, si je retombe en panne bientôt, je n’aurais pas mis les roues au sud de la frontière, dommage quand même. Alors voilà mon nouveau plan. J’abandonne l’idée de la Baja California. Demain je trace plein sud, direction le Mexique. Je n’ai pas de carte du coin, mais je sais que le canyon de cuivre se trouve par ici, au sud. 400 kilomètres des États-Unis peut-être moins. C’est suffisant pour que je me dirige dans cette direction.


Enfin si la moto démarre demain matin, je l'ai encore fait…Si, si j'ai fait une blague de mauvais goût à un brave monsieur qui me voulait du bien. Je sens que je vais encore subir la vengeance divine sous peu. Je m'étais arrêter dans un petit musée d'un bled encore plus perdu que celui où je me terre ces jours-ci. Rien à voir au passage, le tour en 3 minutes chrono et encore j'ai fait deux fois la section des fers à repasser. À la sortie un touriste texan se stationnait devant le musée sinon totalement désert. Sans doute passionné par mon apparence avenante il commence à m'entretenir de choses et d'autres. J'aimerais bien vous en rapporter les propos ici, mais hélas je les ignore moi-même! Incompréhensible son accent. J'ai cru de bon aloi de soulever stratégiquement les sourcils en alternance avec un petit hochement de tête entendu de temps à autres, en guise d'approbation. Lorsque son débit c'est enfin ralenti, j'en ai profité pour dire que c'était pas le tout, mais fallait que j'y aille, moi. Lui, sympa et plein de bons sentiments chrétiens envers un mécréant comme moi, me dit la première chose claire de toute la conversation : 'God bless you!'.

Moi, taquin, je lui réponds : 'je croirais en dieu si Sarah Palin n'est jamais élue présidente des États-Unis'. J'ai bien vu dans son regard que mon humour ne l'avait pas atteint. Peut-être le fond de vérité qui se cachait dans cette phrase banale lui fut-il trop perceptible. Je n'attendais pas le confirmation de mes soupçons à ce sujet, ni qu'il aille chercher son fusil de chasse sur la banquette de son pick-up. Démarreur, première, gaz, deuxième, bye-bye...

Promis, je le ferais plus. Si, promis.