dimanche 1 novembre 2009

Fermer la parenthèse.

Je suis assis sur une banquette en faux cuir et clous cuivrés des plus inconfortables dont quelqu'un a cru bon de doter l'aéroport d'Albuquerque, à vue d'oeil, il y a 14 ans 6 mois et environ 17 jours. Par chance, le modernisme c'est implanté au far-west sous la forme de l'internet sans fil gratuit. L'inconfort du moment, notion relative s'il en est, n'est pour rien dans mon état d'esprit. Je ne sais même pas comment décrire cet état dans lequel je flotte depuis ce matin. La parenthèse guatémaltèque de mon voyage à moto a été une surprise énorme. Ai-je perdu le sens des réalités? Ou bien changé-je de réalité comme je change de pays sans toutefois pouvoir adapté mon cœur au déplacement?
En écrivant ces lignes je devrais m'extasier devant la beauté du coucher de soleil du Nouveau Mexique qui tente de me séduire par la baie vitrée au moment même où un avion de la Southwest se pose devant moi dans des éclats azurs,ocres et incarnats. Mais tout ce que je ressens c'est de la nostalgie. Un vide qu'une seule semaine à réussie à créée en moi. Quelle sortilège ensorcelle-t-il Antigua?
Ces quelques jours ont été les plus étranges de ce voyage. Je me suis retrouvé dans un endroit inconnu, et je suis tombé aussitôt sous son charme, mais ça, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Par contre, je ne suis pas quelqu'un de particulièrement social, ni même sociable. Pourtant, il n'y a pas une seule journée où je n'ai fait la rencontre de quelqu'un qui m'a proposé de partager avec lui (ou elle!) une visite, ou suggéré un endroit à voir absolument. Le contraste avec les jours solitaires sur la moto et les motels de bord de route est tellement saisissant qu'il me fait tourner la tête. Je ne sais pas dans quel état je vais retrouver ma moto, malgré mes courriels, je n'ai pas eu de réponse pour me rassurer sur son sort, par lâcheté sans doute, je n'ai pas non plus pris la peine de téléphoner pour en savoir plus. Autruche la tête enfouie au milieu de ruines coloniales, j'affronte maintenant de nouveau le doute. J'espère bien reprendre la route d'ici quelques jours, ça j'en suis certain, mais pour où? J'ai rencontré beaucoup de gens cette semaine, des voyageurs. Ils ont partagés leurs coups de cœur du Mexique au Panama. Si je devais suivre leurs bons plans, je serais en Amérique Centrale pour les prochains 18 mois au moins. Si je prends l'exemple d'Antigua, je me vois bien aller de ville en ville et y rester une semaine ou plus et visiter alentours, me rendre jusqu'au Panama et retourner par la route vers le Canada.
La question que je crois devoir me poser est : «qu'est ce que j'attends de ce voyage?». Au moment d'écrire ces lignes, j'en ignore le début de la première lettre de la réponse. Une chose à la fois, je vais dans deux jours savoir si ma moto est en état de reprendre la route. Mais je me connais un peu, et je crois que je ne prendrais pas de décision nette et précise. Je vais, avec un faux détachement dilettante, sans doute suivre des signes flous et diffus que j'interprèterai comme on lit des haïkus, avec un sentiment de compréhension de l'infini qui s'estompe aussitôt perçu. Il y a tant de choses à voir sur la route, que je vais devoir suivre ce système à la mystique incongrue pour savoir si je continue jusqu'en Amérique du Sud ou bien si je traîne au centre des Amériques, à cheval sur cette bande de terre reliant deux géants antagonistes.
Si la mécanique coopère je reverrai le Guatémala dans quelques semaines. Avec un œil différent, sans aucun doute. Affecté, floué par les journées passées au Mexique, blasé peut-être, je n'aurais possiblement plus cette envie presque casanière de me complaire dans une routine familière, mais un goût pour la recherche d'une griserie renouvelée par les ronronnements du moteur.

Je suis sur cette banquette depuis déjà 6 heures, il m'en reste encore 8 avant le départ du bus pour Deming, je crois que je n'ai pas fini de panser mon blues. Alors pour mon plaisir, voici encore quelques photos prises cette semaine à La Antigua Guatemala, deuxième capitale du pays après Ciudad Vieja. Son enchantement ne parait sans doute pas sur quelques photos d'amateur, mais je vous le jure, il est bien réel.