jeudi 5 novembre 2009

Mexique jour 1.

Mercredi. Je suis dans le Chihuahua. Avant que certains esprits tordus ne s’imaginent des choses, je vais préciser cette assertion. Je n’ai pas de relation zoophile avec une canidé domestique qui pourrait appartenir à une ringarde starlette en mal de gloire dans le papa possède une chaîne d’hôtels. Pas du tout, je suis dans l’état mexicain du Chihuahua.

Ce matin de bonne heure je quittais plein d’espoir mon motel favori de Deming, non sans plaisir je me dois de le reconnaître. Direction plein sud, machine avant toute vers la frontière mexicaine. Le processus fut assez simple. Premier arrêt, la fouille. J’ai dû vider tous mes bagages, puis les recharger après que le douanier y est à peine jeté un œil. Rien que ça c’est une demie heure de perdue, mais bon c’est lui qui décide. Satisfait il me dit de passer la frontière. Mais moi je ne veux pas la passer cette frontière, je veux faire des démarches administratives à la place. Effectivement il existe une zone franche au sud des États-Unis où il n’est pas nécessaire de présenter de passeport ou autre pièce d’identité ni de faire de paperasse quelconque. Moi par contre, je vais plus loin que cette zone franche, j’ai besoin de passer par l’immigration et de faire importer la moto.

Je rentre donc au Mexique en moto et en ressort à pied pour faire les papiers d’immigration. Le monsieur est bien gentil, je lui dis que c’est la première fois que je fais ça. Il me rempli tous les papiers, m’explique bien tout ce qu’il faut. Au passage je lui demande ce qu’il faut faire pour aller importer la moto. Il me dit quels sont les papiers et leurs photocopies dont j’ai besoin et de présenter le tout à la banjercito où je dois aller de toute façon payer mon entrée au Mexique. J’ai presque tous les papiers nécessaires photocopiés dans mes affaires, mais je dois aller faire des copies de mon passeport visé et du papier d’immigration, je retourne au Mexique à pied. Je me présente donc avec mon dossier prêt au bureau adéquat. Plutôt facile et sans douleur comme processus. Le tout est fait en 55 minutes de la fouille au paiement final. Il me reste à me fournir une assurance moto. Au premier assureur, pas possible ils ne font que les voitures, au deuxième aussi et au troisième c’est pareil. On me recommande d’aller à Nuevo Casas Grandes, je devrais trouver là bas. Du coup avec ces arrêts et départs et autres niaisages en ville, la batterie est faible et la moto part de peine et de misère, je suis bien décidé de ne pas m’arrêter avant la ville en question. C’est pas loin de 200 kilomètres à vue de nez. Bon, ben pas le choix. Je fonce. Pourvu que je n’ai pas de contrôle de police. À peine à 40 kilomètres de la frontière, il y a un barrage militaire. Plutôt décontractés, ils me font ouvrir les deux valises, regarde vaguement dedans, et je peux partir. Puis 120 kilomètres plus loin c’est la douane de nouveau, j’ai juste à présenter mes papiers d’immigration car je quitte la zone franche. Pas désagréable comme arrêt, la douanière qui vérifie la validité de mes papiers est la personne en uniforme la plus agréable à regarder que j’ai jamais vu.

Je suis passé devant 3 contrôles de police, ils me font tous signe de passer.

Arrivé à Nuevo Casas Grandes, je m’arrête à la première banque qui annonce sur sa devanture vendre des assurances. J’ai pas bien tout compris au genre d’assurances qu’ils vendent, mais en tout cas pas pour moto, c’est certain. Très gentil, le gérant m’envoie dans une quincaillerie. Pourquoi pas après tout!

Bien sûr dans cette quincaillerie, ils ne font que les assurances pour les USA. Mais il y a un endroit où peut-être je trouverais. Là, très sincèrement, je commence à ressentir une certaine lassitude. Je me trouve un café internet, et en deux minutes, achète et imprime mon certificat d’assurances. Une bonne chose de faite.

En ressortant je suis abordé par Adrian et son partenaire d’affaire, un américain du nom de Dave. On papote 5 minutes, et finalement Dave nous invite à manger. C’est toujours ça de gagné. Ils me déconseillent de prendre la route des montagnes pour me rendre vers le canyon du cuivre. Trop dangereux, il parait. Il y a une autoroute à péage très bien qui est plus rapide même si le détour par la ville de Chihuahua rallonge la distance totale. Je consens donc à suivre leur conseil et nous nous quittons sur ces bons mots. Je repars vers le sud. Mais une fois face au péage, je suis plus certain de mon coup. J’aime pas les péages! Bon, la route des montagnes alors. Je serais prudent et je ne parlerais pas aux étrangers. Quel bon choix ce fut. Le pied total cette route. Ils avaient utilisés tous les bouts de lignes droites pour faire l’autoroute on dirait. Ce sont des courbes se succédant sur des kilomètres. Je n’ai pas trop le temps d’admirer le paysage, ça demande un minimum de concentration, même si je me retiens d’attaquer trop fort. Le revêtement est très bon. Il y a quelques portions de terre, mais très bonnes aussi, bien damées et parfaitement lisses. Les seuls endroits un peu plus chauds sont les transitions entre terre et asphalte, la terre est répandue en une fine couche sur les premiers mètres de pavement et est assez glissante, mais je maintiens un bon 70-80 à l’heure.

Droite, gauche, droite, gauche, ça virevolte sans fin, les parois se rapprochent de plus en plus, et ça monte toujours plus haut dans ce paysage de fou, aride et se refermant sur moi comme un couvercle. Les seuls autres véhicules sont de bus qui roulent comme des malades. Je ne peux même pas m’arrêter prendre des photos, pas de bas côtés ici, et je me vois mal m’arrêter dans un virage, pour prendre des photos, ce serait le moment que choisirait un de ces autobus pour me ramasser au passage.

Puis sans aucune transition ça commence à descendre. Simultanément, je me retrouve dans un paysage totalement différent. Verdoyant à souhait, couvert d’une forêt dense. C’est vraiment très étrange, l’impression d’avoir été projeté dans une autre dimension.

Je n’ai pas de carte de la région et n’est pas allumé mon GPS, mais je suis plus ou moins dans la bonne direction je pense, par contre le soleil descend vite derrière les montagnes, et je me commence à me dire qu’il faudrait vraiment que je trouve un abri pour la nuit. Les deux premiers villages traversés ne sont guères inspirants. Une dizaine de maisons plus ou moins en ruines, pas trace d’un hôtel quelconque. En voyant un panneau indiquant Cuauhtémoc 163 Km, je me dis que je pourrais y être avant la nuit en forçant un peu l’allure. Ce village est assez gros pour être sur ma carte du continent, c’est bon signe. Mais franchement, je ne suis pas emballé par l’idée, c’est un coup à se planter. Coup de chance le village suivant, Oscar Soto Maynes est un bourg de bonne taille. Je m’arrête au local de la croix rouge, pour me renseigner sur un hôtel sécurisé pour la moto. Il y a deux hôtels en ville dont un avec une cours intérieure. Vendu, pour 16 dollars la nuit. Le proprio est très sympa. Il s’appelle Javier, on jase une bonne heure. Je me rends au café internet du village. Quand j’en ressors il fait bien nuit. Ils n’ont pas un budget débordant pour l’éclairage public ici, c’est le moins qu’on puisse dire. Malgré tout, je ne me sens pas vraiment menacé, les gens me regardent curieusement mais sans animosité, ils ont pas trop de touristes pas ici je pense.

Javier m’emmène ensuite au restaurant de son frère en voiture. Les meilleurs burritos qu’il m’ait été donné de manger, pour 3 dollars, j’avais plus faim. C’est une gargote avec 4 tables, directement dans la cuisine d’une maison. Sympa, je regrette de ne pas avoir pris mon appareil photo, mais je ne voulais pas trop attirer l’attention. Par contre, je me demande pourquoi il me donne des piments en plus car sans rien ajouter, ça arrache déjà pas mal ses burritos au frangin.

Je rentre à pied à l’hôtel, ce qui me confirme qu’il n’y a pas trop d’activité dans le coin.

Rideau pour la journée.

Je retrouve le sens de ce voyage j’ai l’impression avec une journée comme aujourd’hui. Rouler dans des paysages à couper le souffle, sur des routes taillées pour les motos (et les bus, on dirait!), traverser des villes perdues sur des chemins de traverse oubliés du commun des mortels. Je suis content de ma décision de ne pas m’obstiner à me rendre vers la Baja. Je ménage ma batterie, je me fiche d’où je vais passer dans la journée, suivre une direction générale me conviens bien et il y a suffisamment de stations service Pemex pour que je ne me stresse pas avec le problème de l’essence.

Javier m’a conseillé une route sympa en montagne pour me rendre à Creel, je vais l’essayer demain.