lundi 22 février 2010

Une petite marche, pour se changer les idées.


Au matin de la fin de ma première semaine d’ennui mortel à El Calafate je fus réveillé de fort bonne heure par la petite française qui dormait au dessus de moi (on s’entend bien : dortoir avec lits superposés, j’en connais qui vont s’imaginer des choses!). Elle avait un bus à prendre pour Puerto Natales. Je jetais un rapide coup d’œil derrière le rideau de jute orange délavé qui me masquait le ciel et me permettait cette performance renouvelée de rester au lit jusqu’à dix heures du matin. Performance qui n’aurait pas dû être difficile à accomplir étant donné que j’étais sorti la veille avec mes deux autres compagnons de dortoir, de jeunes chiliens très agréables de fréquentation et avec qui j’avais éclusé quelques Quilmes. Couché à trois heures du matin, bonne moyenne.

Sauf que là, tout ce que je vis par le carreau au verre rayé par trop de voyageurs curieux de connaître la couleur du ciel, c’est un rectangle d’un bleu limpide et profond. Pas la trace d’un seul nuage ne venait ternir cette image idyllique. L’idée est arrivée assez brusquement. Belle journée pour retourner à EL Chalten et enfin voir d’un peu plus près ce fameux gros caillou qui fait fantasmer tant de grimpeurs. À sept heures vingt cinq je sautais prestement du lit. D’accord, pour la justesse du propos disons plutôt que je me traînais jusqu'à la salle de bain en me préparant mentalement à une journée d’auto stop supplémentaire. L’accomplissement de cette première fonction biologique de la journée me permettait de penser un peu plus clairement. Oui, moi ça me fait cet effet là!

Le temps change de manière drastique en peu de temps dans les environs, et s’il me fallait la journée pour me rendre jusqu’à El Chalten je courrais le risque de ne trouver que nuages et pluie le lendemain. Je passais en surmultipliée et à sept heures cinquante cinq j’étais en ligne au guichet de la compagnie de bus, à huit heures moins deux j’étais possesseur d’un billet pour le bus de huit heures, dans lequel je me pressais de prendre place.

J’arrivais avant midi au village connu mondialement comme la capitale argentine du trekking. Trouvais l’auberge la moins chère du coin et y déposais mon sac pour me lancer sans tarder vers les huit heures de marche pour aller et revenir au Lago De Los Tres, qui offre une vue imprenable sur le Fitz Roy. Je ne fus pas déçu de mon choix. Un peu inquiet au départ de me lancer seul et sans équipement dans cette randonnée pédestre, je me rassurais assez vite. Le mot trekking est un peu usité à tort et à travers ces temps-ci. Il est passé où le temps où cela signifiait aventure, danger, risques en tous genres?

Le chemin n’a pas besoin d’être balisé. Il est passé tant de milliers de randonneurs que la trace laissée est une tranchée d’un bon cinquante centimètres de profondeur qui aurait ravie n’importe quel poilu de la grande guerre.

Mais quelle magnifique balade! Étant seul j’entretenais naïvement l’idée d’avoir la chance de voir un puma ou des huemuls égarés. Il n’en fut pas question et je ne vis que quatre ou cinq vaches, du type assez commun qu’on retrouve un peu partout dans le monde (enfin pour ce que je connais du monde en général et surtout des vaches en particulier).

Cette partie de la vallée est verdoyante à souhait et la majorité de la marche se fait sous le couvert d’arbres feuillus peu variés mais abritant bien du vent et entretenant ainsi une tiédeur bienfaisante. La majesté du Fitz Roy n’est certainement pas une invention et il est facile de voir l’attraction qu’il crée. Il se dresse au milieu des vallées avec cette couleur caractéristique et pourtant tout le temps changeante. Chaque mouvement du soleil déplaçant habilement les ombres sur les glaciers et donnant à la pierre des nuances allant du gris à l’ocre. Mon seul regret est de ne pas avoir eu ma tente et mon sac de couchage, restés avec la moto à Rio Gallegos. La camping autorisé par endroit le long de la piste permet une vue qui doit se révéler magique lorsque le soleil se lève sur le Fitz Roy.

De retour à l’auberge, je retrouvais Grant. Venu de Vancouver à moto, il était aussi sur le voilier qui nous passait du Panama à la Colombie. Je n’avais pas vu Grant depuis Cartagena et ce fut agréable d’échanger sur nos expériences de route depuis notre arrivée en Amérique du Sud.

Le lendemain je voulais le consacrer à la virée du mont Torre, mais les nuages s’étaient invités pendant la nuit. Le Torre s’était ganté d’un nébuleux gant cotonneux et dissimulait ainsi son doigt tendu vers le ciel. Je faisais donc la promenade au Loma del Pliegue Tumbado qui offre une vue magnifique sur les vallées alentours. De ce côté de la montagne on se retrouve vite à découvert et le vent se levait en début d’après midi rendant l’air vivifiant. Oui, froid quoi!

Me restait à retourner à Rio Gallegos en auto stop, vérifier de visu le manque de progrès dans le dossier motocyclette.



Je ne suis pas le premier à passer par là, on dirait.
Le Fitz Roy (j'en ai environ 350 des photos dans le style, en voilà un échantillon).



À l'extrême gauche de l'image pointe dans son érection inflexible l'aiguille de St Exupéry. Plus petites, mais pour le même hommage, un peu plus loin sur la droite (et hors cadre!), on retrouve les aiguilles Guillaumet et Mermoz.
Le glacier Piedras Blancas.





La trainée d'un avion griffe le ciel derrière le Fitz Roy.


Le glacier Grande et la lagune Torre.