vendredi 4 décembre 2009

Encore une frontière cahotique.

Il semblerait que depuis le début de ce voyage mon mysticisme va en grandissant. Je suis guidé par les signes, comme Corto à travers Venise ou Samarkand. Le Costa Rica, ne voulait pas de moi, je le voyais. Même pas ésotériques comme messages ce que j’ai reçut. Tiens encore une preuve, en sortir est vraiment facile. Contrairement à l’entrée, les formalités d’usage sont réduites au plus succinct. Premier bureau, coup de tampon au passeport. Guichet voisin, annulation de l’importation de la moto. Les assistants ne sont pas des plus heureux que j’ai trouvé tout ça tout seul. Il y a aussi un bureau indiqué comme étant là où on doit faire annuler l’assurance obligatoire. Je ne me donne pas la peine d’y aller, je n’y vois qu’une peine administrative sans intérêt, le principal est fait. Bien sur ma lancée, je suis décidé à me passer des assistants qui bourdonnent autour de moi comme des mouches. Amusant de voir toutes les techniques qu’ils déploient. Tentatives de conversations sur la pluie et le beau temps auxquelles je réponds poliment, avertissement sur les difficultés à passer au Panama sans aide, etc.

J’y suis arrivé, mais encore un beau foutoir, digne de l’entrée au Costa Rica. Et en plus la température est encore montée d’un cran. Me tenir debout immobile est suffisant pour que la sueur me coule entre les sourcils en flots ininterrompus.

Sans entrer dans une énumération pénible, voici les grandes lignes des étapes du rite initiatique de passage au Panama.

1) Présenter passeport pour obtenir un formulaire de demande de permis touristique.

2) Bâtiment opposé pour le permis touristique (une sorte de visa). Coût : 5$

3) Changer de guichet pour acheter le timbre officiel à coller sur le visa. 1$

4) Retourner au premier bureau pour faire tamponner le passeport. Gratuit.

5) Traverser la rue pour aller au bureau d’assurances et en contracter une. 15$

6) Retraverser la rue et monter à l’étage pour faire tamponner le certificat d’assurance. Étape la plus longue, la madame était partie à la banque pour raison personnelle. Elle est revenue au bout de 15 minutes. Un coup de tampon sans même regarder. Gratuit.

7) Descendre les escaliers pour aller aux douanes. Importation de la moto. Sauf que la fonctionnaire de service refuse de croire qu’au Canada on n’a pas de titre de propriété comme les américains pour nos véhicules. Les chauffeurs routiers en arrière de moi s’en mêlent car ils veulent passer aussi et ça prend trop longtemps. Finalement elle fait les papiers, mais je suis incapable de préciser mon point de sortie du pays et elle doit appeler son supérieur pour approuver l’importation temporaire du véhicule.

8) Aller dans le bâtiment voisin qui ressemble à des toilettes, pour faire enregistrer le formulaire des douanes. Le monsieur me dit que je peux partir maintenant

9) Je pars et roule vers le poste de contrôle douanier. Il y a là un japonais qui fait Mexique-Panama à vélo. Sa serviette de bain enroulée sur la tête et aspergée d’eau, ses lunettes de glaciers, les boites de plastique rose qui lui servent à transporter ses deux sacs à dos, lui donne un air un peu tragi-comique d’un personnage d’Hayao Miyazaki. Nous discutons brièvement en espagnol. Il ne quitte pas son sourire éclatant d’une seconde. Quand le douanier le laisse partir, il me lance un «good bye» joyeux. Contaminé par son sourire, je crois bon de lancer en réponse «konnichiwa», d’accord ça veut plutôt dire bonjour, mais sur le coup c’est tout ce qui m’est venu à l’esprit. Mon effet n’est pas tombé à plat. En commençant à pédaler, il part d’un énorme rire et répète entre deux explosions tonitruantes «Konnichiwa». Quant à moi il semblerait que j’ai raté l’étape 9, je dois retourner au poste douanier, il me manque le certificat de fumigation. Lorsque j’arrive de nouveau à la frontière, j’ai l’impression que le vent me porte aux oreilles un «konnichiwa» lointain. Les helpers semblent bien apprécier mon retour, je le vois à leur air goguenard. J’obtiens en échange d’un dollar un autre document sans même que personne ne regarde la moto, ou alors ils l'ont fumigués du regard depuis leur bureau. En remontant à moto, je suis interpellé par une pocharde qui me demande en mariage. Je crois bon de décliner l’invitation. Pourtant elle m’aime, me dit-elle, et m’offre l’usage de sa papaye. Et je pense que ça veut dire ce que je pense que ça veut dire! Elle est heureusement trop saoule pour joindre quelque geste que ce soit à la parole.

10) Retour au poste de contrôle. Ce coup-ci tout est bon, je roule au Panama après une heure cinquante qui n’aurait pas déplu à Terry Gilliam, période Brazil.

Une chance que pour une fois j’avais réussi à me lever tôt. Départ très matinal à 6H43 ce matin.

Courte escale à Pononomé, la ville du Panama (je ne veux pas dire le pays mais le chapeau!). Je me paye le petit luxe d’un hôtel avec eau chaude (pas eu depuis 5 jours, j’en rêve!), internet et air climatisé. J’ai besoin d’une bonne nuit de sommeil. Me retrouver dans la ville de Panama pour chercher un moyen de passer en Colombie par 37 degrés à l’ombre et un taux d’humidité seulement mesurable sur l’échelle de Richter promet d’être une joie sans nom.






25$ la nuit c'est pas du luxe ça?