jeudi 7 janvier 2010

C'est pas le Perou

Arrivés dans Machala, nous -Sebastian et moi- nous sommes séparés. Chacun couch surfant chez des gens différents. C’est ainsi que je fis la connaissance de Juan et de sa famille. Peut on faire une overdose de gens trop gentils? Parce que je crois que je dépasse la limite permise par la loi. Juan est vraiment un jeune type génial. Il est d’une culture incroyable, drôle et bourré d’énergie. Sa maman, Cecilia est d’une gentillesse incroyable, ainsi que son beau-père. Me prenant en pitié, pauvre moi, ils m’invitèrent à passer le réveillon en leur compagnie chez le frère de Cecilia. Il y a en Équateur une coutume qu’on ne retrouve pas ailleurs. À minuit on brûle des mannequins de papiers revêtus de vieux habits, ils symbolisent l’année passée et les problèmes qu’on laisse en arrière avant de repartir à neuf. Ça fait un peu ville sous le coup d’émeutes, mais c’est sympa comme coutume.
Le lendemain je devais retrouver mon partenaire de crime. Il semblerait qu’il ait trouvé un intérêt particulier dans la charmante ville de Machala (Heu! On ne peut pas dire «une» intérêt???). Je pars donc seul vers le Pérou, il va rester un autre jour en Équateur. Il faut dire que depuis deux ou trois jours ma moto présente les mêmes symptômes que lors de mon entrée au Mexique et que finalement j’avais failli rester planté à Creel. J’ai besoin d’un mécanicien et je pense que le moteur à besoin d’un autre ajustement des soupapes. On m’a dit qu’à Piura je trouverais sûrement quelqu’un pour faire le travail.

Premier arrêt transit de frontière, le passeport. La queue ne semble pas insurmontable. C’était avant que comprenne que chaque personne attend pour dix. Une heure et 15 minutes plus tard, je filais vers la frontière péruvienne, six kilomètres plus loin. J’ai failli rater le bureau des véhicules qui lui est trois kilomètres après le premier poste. Celui là, assez facile, 2 minutes pour entrer et sortir. Puis je suis arrivé à la frontière du Pérou. De premier abord, ça m’a paru plutôt tranquille. Un membre des forces de l’ordre avachi à l’ombre m’a fait signe de m’arrêter devant la guérite. J’obtempérais, docile. Tous mes papiers en main, je demandais au planton si c’était ici pour les véhicules ou les passeports. Véhicules, il semblerait. Un peu habitué je lui dis que j’ai sûrement besoin de passer par la case passeport en premier. D’un air rogue, il me dit d’entrer dans le bureau que je dois commencer par là. C’est lui qui connaît après tout, j’entre dans la casemate de béton. Le contraste entre la violence du soleil extérieur et la pénombre du lieu m’aveugle brièvement. Au premier abord le bureau derrière lequel un fonctionnaire monte la garde pourrait aussi bien être un Boulle qu’une planche en pin de chez Ikea sur deux tréteaux.
Accoutumé à l’obscurité après quelques secondes, je réalise que le mobilier est plutôt d’un style qui a fait fureur en URSS sous le règne de Léonid Brejnev. Le brave monsieur qui y travaille studieusement, n’aurait pas non plus dépareillé chez les soviétiques de l’époque. Étriqué dans son uniforme, il noircit des lignes dans un cahier ayant déjà bien vécut. Il ne lève pas la tête lorsque je lui lance un «Buenas tardes» à peine teinté d’un ton blasé, et d’un accent qui fait fureur dans les bars d’Amérique du Sud . Un beuglement guttural me sert de toute réponse. Il ne lève même pas la tête de son cahier. J’attends ainsi un bon cinq minutes. Il fini par me demander différents papiers, dont la copie de mon passeport avec le tampon d’entrée au Pérou. Bon je sens que ça va être long à passer cette frontière. Je ressors marche jusqu’au bureau des passeports. Obtiens mon formulaire, le rempli, patiente en ligne, reçoit le convoité sceau de l’autorité compétente, fait la copie demandé et repars vers mon nouvel ami, le type des importations de véhicules. Surprise! Ils sont deux maintenant. Le nouveau est un jeune à l’air énergique. Je lui tends le lot de paperasse. Il y jette un coup d’œil perdu. Finit par me dire que c’est son collègue le spécialiste des motos. Bon, on prend les mêmes et on recommence. Je peux enfin détailler mon interlocuteur. Pour commencer il est borgne et il semblerait que l’œil qui lui reste n’est pas des plus performants. De lourdes bajoues pendent sur son visage profondément ridé, sa locution est un peu pénible à comprendre, la moitié des mots se perdant dans des borborygmes biliaires.
Décrire les heures qui suivirent serait fastidieux et pas forcément d’un intérêt quelconque. Mais laissé moi vous dire que pour la première fois de ce voyage j’ai vraiment été à deux doigts de m’énerver pour de vrai. La somme de l’incompétence de ces deux imbéciles est un sommet que je n’ai pas encore vu atteint. Après le remplissage du mauvais formulaire, un cours captivant sur comment remplir un autre formulaire :
«Où il y a écrit nom, vous écrivez votre nom, où il y a écrit prénom…». Si encore il y avait eu une information inédite et surprenante, du style «où il y a écrit sexe, vous écrivez la longueur» (promis j’aurais pas menti de plus de 25%), mais non même pas. J’ai eu beau essayer de l’arrêter, il était sur un rail, pépère. En voyant un jeune gars passer les papiers de son véhicule avec un billet de cinq dollars, je me suis dit que c’était pour me faire payer qu’on me jouait ce petit film. Mais finalement je ne pense pas, juste de la connerie pure et simple. Et encore, ce n’était rien, quand il a fallut entrer les informations dans l’ordinateur, sur le système en ligne, aïe! Il a recommencé environ 12 fois. J’ai fini par lui dicter chaque lettre de chaque case à remplir.
Record absolu des temps de passages de douanes battu. Trois heures quarante minutes!
Pour deux coups de tampons et deux formulaires d’une page.
Du coup mon projet de me rendre à Piura tombait un peu à l’eau et j’arrivais avant la nuit à Mancora. Un jeune péruvien que j’avais rencontré à la frontière m’avait prévenu qu’en ce premier jour de l’année les hôtels seraient pleins. Il avait raison. Bien raison.
Après avoir essayer six ou sept «hospedajes», je me disais que j’étais plutôt mal parti et que j’allais dormir sur la plage. Ce qui ne paressait pas le meilleur plan vu les avertissements que je ne finis pas de recevoir sur les voleurs locaux. En demandant à droite et à gauche, je finis pas trouver Brizza. Elle me louait un matelas sur son toit. Une nuit à la belle étoile au Pérou pour 3$, ça allait vraiment bien me plaire. En prime l’hôtel voisin me laissait utiliser les toilettes. Je pouvais me consacrer au deuxième problème : trouver un abri pour la moto. Ce ne fut pas trop long, un conducteur de mototaxi m’offrait une place dans son garage. Je le suivis donc dans un quartier où je n’aurais pas autrement mis les pieds, je n’avais pas le choix de lui faire confiance, et tout a bien été de ce côté-là aussi.
Mancora est une ville assez folle. Sur environ 5 kilomètres de long, un alignement de restaurants et de bars. Des milliers de touristes, la plupart locaux, envahissent cette station balnéaire pour le premier de l’an. La musique provenant des bars de plage et de la rue se mélange avec les avertisseurs des taxis et bus dans une cacophonie assourdissante. Une masse humaine sans cesse en mouvement noie les trottoirs de ses pas alourdis par la chaleur et le plus souvent par l’excès d’alcool. Saoulé par toute cette activité je me retirais vers minuit sur mon toit et dormais merveilleusement bien dans la fraîcheur nocturne.
Le matin il était temps de hisser les voiles vers Piura. Vers midi j’arrivais devant le concessionnaire Yamaha de la ville. Le mécanicien de service regardai la moto cinq minutes et écoutant mes explications et fini par conclure : «désolé, on ferme dans quarante minutes, on peut rien faire revenez dans 3 jours».
J’essayais Honda. Fermé.
En passant devant un marchand de mototaxi, j’arrêtais pour voir s’il connaissait un mécanicien ouvert et compétent. Le propriétaire, Javier m’expliquait comment me rendre chez un bon mécano. Finalement il trouvait que c’était compliqué et qu’il allait me conduire. Je suivais son pick up qu’il occupait avec son frère William. Pas de chance le gars n’avait pas d’outil pour les Yamaha. Jamais je n’avais jamais entendu un truc pareil, mais bon. Javier m’emmenais chez un autre mécanicien. J’avais un sentiment mitigé, mais il promettait de regarder la moto le lendemain, dimanche. Bon on verra. Javier et William offraient tous deux de me loger gratuitement. Par commodité je finissais chez William. Encore une fois j’étais surpris par la gentillesse de gens que je rencontrais sur ma route. On m’offrait le repas du midi. Je dois dire que la bonne surprise du Pérou, c’est la nourriture. Un ceviche du tonnerre. Poisson cru avec piment et jus de citron. Un vrai régal. Le Mexique me manquait à ce niveau, plus on allait vers le sud plus le goût allait en s’amenuisant. Chaque pays offre un point fort, la Colombie par exemple prépare des jus de fruits (mes préférés sont Maracuya et le Lulo) et le lait d’avoine comme on n’en trouve pas ailleurs.
Nous allions ensuite chez un ami de William, Walter. Luz son épouse nous préparait un sudadito de pollo, absolument incroyable.

Petite note sur les coutumes péruviennes. Les plats sont servis pour tous les gens attablés. Il n’y a pas d’assiette. Chacun mange dans les plats, c’est très convivial comme pratique. De même, je fus un peu surpris par la coutume suivante. Avant le repas nous nous sommes tous assis en cercle autour d’une bassine de plastique. L’homme de la maison se sert un verre de bière, puis passe la bouteille à son voisin de droite en lui souhaitant «Salud» (santé). Puis, une fois son verre vide, secoue les restes de mousse dans la bassine, passe le verre au détenteur de la bouteille qui procède a la même manœuvre, et ainsi de suite. Après dix bouteilles, je maîtrisais bien la technique.

Je commençais le journée de dimanche par une embrouille avec le mécanicien, et le sentiment qu’il ne savait pas trop de quoi il parlait.
Au moment où j’arrivais chez William, il recevait un coup de téléphone de Sebastian (je lui avais donné le numéro), il était en ville depuis hier au soir, chez une nouvelle amie. Ironie du sort, exactement dans le même quartier. La journée étant perdue nous allions à la plage avec Maissie, l’amie de Sebastian.
Lundi, grosse déception à Chiclayo après une matinée de route. Le magasin Yamaha refusait de regarder ma moto, trop compliquée. Par contre il faisait une réparation temporaire sur la moto de Sebastian, qui perdait de l’huile au litre. Le jour où nous nous étions séparés en Équateur, il avait sauté sa chaîne et elle avait tordu la commande d’embrayage.
Nous continuions vers Trujillo où nous serions avant la nuit.

























Certificat de passage en douanes No 0001.






Un matelas, un toit, tout ce qu'il faut a un voyageur.






Le Perou, 24 millions d'habitants et au moins 10 millions de fichus mototaxis, ils sont partout et roulent n'importe comment.
































Passe les douanes le paysages est surtout fait de roches degarnies. Assez monotone comme decor.










De Mancora a Piura j'ai fait la route avec Matias et Cecilia, argentins en voyage de noce, tres sympas. J'ai une invitation pour un BBQ.

















William, Carlos et Javier autour du ceviche.














Le sudato de poulet.















A droite Luz, le reine du sudato, et sa belle soeur.











Tout le monde a aime.









































































































Beurkkkkkk!!!!!!!